Genèse du roman « le syndrome de Morphée »

   Bien que publié en 2003, ce roman prend sa source en 1992 date à laquelle j'en posais les premières bases et écrivais les premières nouvelles.

   A l'origine se trouvait le problème de l'effet de serre qui prenait déjà à cette époque une ampleur grandissante dans l'actualité. Ma première idée qui serait à la base du roman provenait directement de là ; j'étais à l'époque très intéressé par les problèmes d'écologie et par l'évolution des climats, je réfléchis donc naturellement à des idées plus loufoques les unes que les autres pour limiter cette évolution.
   Très rapidement j'ai eu l'idée de modifier l'albédo de la haute atmosphère pour diminuer le rayonnement reçu par la planète, restait à trouver comment. L'injection de poussière dans celle-ci m'est alors apparue comme une évidence et je posais le principe de l'injecteur stratosphérique.
   Je note d'ailleurs avec un peu d'effroi que depuis 2003 environ certains articles évoquent cette possibilité dans les revues scientifiques. Puissent les hommes de sciences actuels avoir plus de jugeote que les héros de mon roman et plus de contrôle sur leurs inventions !

   A partir de cette idée de base il était logique que je me demande ce qu'il se passerait si le processus d'injection de poussières dans la haute atmosphère échappait à tout contrôle. La réponse était simple et m'était dictée par les récentes théories (en 1992) sur l'extinction des dinosaures et la coupure Crétacé - Tertiaire que je découvrais dans les revues scientifiques et d'astronomie de l'époque : il y aurait un hiver " nucléaire ".

   Dès lors je tenais la base d'un récit de science-fiction : l'humanité déclencherait une nouvelle glaciation en voulant juguler l'effet de serre. Le sujet de l'invention scientifique qui échappe à ses inventeurs n'était évidemment pas nouveau mais cette idée est récurrente et se vérifie malheureusement trop souvent dans la réalité.
   Ceci pouvait faire l'objet d'une nouvelle mais il me fallait l'étoffer pour en faire un roman.

   Un autre secteur de la recherche m'intéressait à l'époque : le fonctionnement du cerveau. Dans les revues scientifiques des années 90 on évoquait de nouveaux appareils, utilisant les SQUID supraconducteurs, capables de détecter les micro-champs magnétiques du corps humain et permettant de photographier en direct le fonctionnement des aires cérébrales chez un sujet éveillé. Cette découverte me sembla matière à une nouvelle de science-fiction et, par extrapolation, j'envisageais l'invention de l'oniro-visualisateur et de l'oniro-inducteur. De fil en aiguille j'en vins à l'idée de l'intégrateur onirique permettant de pénétrer les rêves. Je me dis alors que cette technique constituerait un bon moyen de " fuir " un monde détruit par un hiver nucléaire, même si cette fuite était aussi illusoire que les paradis artificiels de la drogue ; les squatters du futur " syndrome de Morphée " venaient de naître.

   A partir ce ces deux idées, d'abord concrétisées sous forme de nouvelles, j'ai lentement développé le concept du " syndrome de Morphée ". Ce n'est que bien plus tard que j'ai finalisé le roman sous sa forme actuelle.

   Je me suis attaché à imaginer comment les hommes et les sociétés réagiraient à un tel cataclysme et comment ils lui survivraient. Deux voies s'ouvraient au devant de moi : la négation du passé et la résignation ou la lutte pour la vie dans une certaine continuité, en essayant de préserver ce qui pouvait l'être.

   Ainsi allaient naître deux mondes : celui dans lequel les Rédempteurs pourraient développer leur foi anti-scientifique et celui des Enclaves tentant de perpétuer une miniature de l'ancienne société en portant haut le flambeau de la science qui pourtant avait presque détruit l'humanité dans les siècles précédents.
   Ces deux mondes seraient forcément antagonistes et ne pourraient que s'opposer violemment. La société en vase clos des Enclaves me permettraient d'évoquer les tourments des scientifiques et les turpitudes de la politique ; l'autre me laisserait le champ libre pour réfléchir à la naissance d'une religion, à ses grandeurs et ses misères et à ses dévoiements par des hommes sans scrupules.
   Parabole sur le sida et les antagonismes qu'il créait entre communautés, la maladie étrange qui frapperait le monde dans ce roman, venant de par delà l'espace presque deus ex machina pour les gens du quarante-neuvième siècle, constituerait dans le récit la pierre angulaire de l'affrontement des deux sociétés. S'agissait-il d'une épreuve divine à supporter dans ce monde détruit par la folie des hommes ou simplement d'un fléau à combattre avec toutes les ressources d'une science balbutiante ?
   Dès lors la porte était ouverte au fanatisme politique autant que religieux, au terrorisme et aux magouilles mesquines des gens de pouvoir.

   L'origine du monde que j'allais décrire prenant ces racines dans le passé, il me sembla intéressant de faire interagir les deux époques. N'était-il pas moral que ces ancêtres qui avaient porté la mort sur le monde participent également à sa renaissance ? Une porte nouvelle s'ouvrait sur un autre thème cher à la science fiction : le voyage et les paradoxes temporels. Mais comment accéder à ces hommes ? La solution la plus simple dans le cadre de cette histoire s'avéra être leurs rêves, puisque les squatters avaient la technique permettant de les pénétrer. Quant au contenu de leur contribution, les manipulations génétiques étant dans l'air du temps, il me sembla qu'elles constitueraient un sujet opportun. Les grands débats sur l'éthique médicale pouvaient engendrer un rejet de ces techniques, il m'était donc facile d'imaginer que la génétique aurait disparu dans notre lointain futur. La lutte que devraient mener mes personnages contre la maladie étrange qui les décimait, devrait passer par cette science dont ils n'avaient plus que le lointain souvenir.

   Ainsi la boucle était bouclée et il ne me restait plus qu'à écrire l'histoire !


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